Un étudiant étranger qui veut postuler au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) dans le but d’obtenir une résidence permanente devra désormais avoir travaillé durant au moins un an.

Le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration a confirmé, jeudi, les éléments de réforme de ce programme déjà publiés par Radio-Canada il y a quelques jours.

Le PEQ est un programme d’immigration qui permet aux étudiants étrangers et aux travailleurs temporaires qui vivent, étudient ou travaillent déjà dans la province d’obtenir, à terme, une résidence permanente.

La durée de l’expérience de travail exigée varie selon le type de diplôme. Il faudra par exemple avoir deux années d’expérience, à temps plein, au cours des trois dernières années, pour les personnes ayant un diplôme d’études professionnelles (DEP).

Une année d’expérience sera demandée, dans les deux années précédant la demande, pour ceux qui ont obtenu un baccalauréat, une maîtrise, un doctorat ou un diplôme d’études collégiales techniques.

Ces expériences n’ont pas nécessairement besoin d’être en lien avec le domaine de formation. Elles devront cependant être acquises dans des domaines d’emploi de niveau 0, A ou B de la Classification nationale des professions. Cela ferme la porte par exemple à l’expérience acquise dans le domaine agricole ou comme serveur.

Ces expériences de travail n’étaient pas nécessaires ces dernières années pour postuler au PEQ, un programme qui a vu le jour en 2010 et qui est devenu, au fil des ans, de plus en plus attractif. L’an passé, près de 15 000 étudiants et travailleurs temporaires en ont bénéficié.

Le PEQ prend toute la place dans la catégorie des travailleurs qualifiés et paralyse Arrima [NDLR : le système de gestion des demandes d’immigration]. Le PEQ ne peut pas être le seul moyen d’immigration au Québec. La pertinence de réformer le PEQ était réelle l’automne dernier, elle l’est d’autant plus aujourd’hui.

-Simon Jolin-Barrette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Ce nombre va baisser inévitablement, a convenu le ministre Jolin-Barrette, qui compte favoriser la sélection d’immigrants économiques à travers le programme Arrima, qui a vu le jour en juin dernier.

L’entrée en vigueur de ces changements se fera au courant de l’été, a-t-il précisé.

Les délais vont être allongés

Le PEQ était, initialement, une voie rapide vers l’immigration permanente. Québec s’engageait, dans ce processus, à délivrer un certificat de sélection (CSQ) en moins d’un mois. De son côté, le Programme régulier des travailleurs qualifiés (PRTQ), qui accueille habituellement la majorité des immigrants économiques de la province, connaît actuellement un délai d’analyse d’environ 6 mois, selon Québec. Désormais, ce délai de 6 mois sera également en vigueur dans le nouveau PEQ.

Du côté des travailleurs étrangers temporaires, l’expérience de travail demandée sera rallongée.

Actuellement, il est demandé une année d’expérience. Cette exigence est assez courte, selon le ministre Jolin-Barrette.

À présent, ces travailleurs devront cumuler trois ans d’expérience au cours des 48 derniers mois.

Des exclusions ont été annoncées. Ainsi, les domaines d’emploi les moins qualifiés, soit ceux appartenant aux classes C et D de la Classification nationale des professions, ne seront pas admissibles. On parle par exemple de barmans, de manutentionnaires, de caissiers ou de travailleurs agricoles. Les besoins sont diversifiés et le PEQ n’est pas le meilleur outil pour sélectionner ces catégories de travailleurs, et ce, notamment en région, a souligné Simon Jolin-Barrette.

Une clause transitoire a également été annoncée. Ainsi, cette réforme ne touchera pas les diplômés étrangers et les travailleurs temporaires qui ont déjà postulé au PEQ, mais dont le dossier n’a pas encore été traité.

En revanche, rien n’a été formulé pour les étudiants étrangers qui ne sont pas encore diplômés mais qui sont déjà scolarisés dans la province. Une telle clause de droits acquis avait pourtant été mise de l’avant en novembre dernier par le gouvernement Legault.

Meilleure connaissance du français exigée

Un an après l’entrée en vigueur de cette réforme, il sera aussi demandé aux conjoints et conjointes de ces candidats d’avoir un niveau de français jugé de base par le ministre Jolin-Barrette. Il s’agit d’une connaissance du français oral de niveau 4 sur une échelle qui comprend 12 niveaux.

Cette exigence n’existait pas par le passé.

Par ailleurs, pour bénéficier du PEQ, les candidats doivent également fournir une preuve de leur connaissance du français. Mais des irrégularités, révélées par Radio-Canada, ont été constatées ces dernières années

Nous avons été mis au courant d’irrégularités […]. Des vérifications ont été réalisées et ont révélé que la majorité des candidats ne parlaient pas le niveau de français requis.

-Simon Jolin-Barrette, ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration

Un document – une attestation de réussite d’un cours de français de niveau intermédiaire avancé – est au cœur de ces soupçons de fraudes, qui ont entraîné une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dont les résultats ne sont pas connus.

Cette attestation, qui était délivrée notamment par des commissions scolaires, ne sera plus admissible comme preuve de connaissance du français.

Plus de 500 places pour les préposés aux bénéficiaires

Un programme pilote va également voir le jour pour les préposés aux bénéficiaires, mais également pour les travailleurs du secteur de l’intelligence artificielle.

Depuis 2013, seulement 115 préposés aux bénéficiaires ont été sélectionnés dans les programmes d’immigration du Québec, a indiqué le ministre Jolin-Barrette. Désormais, un quota de 550 CSQ sera réservé annuellement pour des immigrants ayant une expérience dans ces deux secteurs.

Aucune liste de formations

À l’automne passé, une première version, présentée par le ministre Jolin-Barrette, avait été vivement critiquée par les milieux des affaires et éducatifs.

Seuls certains domaines de formation et de travail, inscrits sur une liste qui comprenait de nombreuses incohérences, donnaient alors accès au PEQ, ce qui a provoqué la colère des universités, des cégeps et de représentants du patronat.

Le gouvernement avait alors retiré sa réforme et des consultations avaient été lancées. Près de 50 mémoires ont été déposés, provenant d’avocats en immigration, d’experts et d’acteurs des milieux éducatifs et des affaires.

Aucune liste n’est désormais proposée dans la nouvelle version.

Un échec, selon le PLQ

Les oppositions ont fait part de vives critiques contre cette nouvelle présentation du gouvernement. Selon le Parti libéral du Québec (PLQ), cette réforme est bâclée et brouillonneLe gouvernement fait fausse route, a clamé le député Monsef Derraji, en déplorant un échec en matière d’immigration et une complexité accrue des critères d’entrée.

Québec solidaire, de son côté, a comparé cette annonce à une mauvaise suite au mauvais film de Simon Jolin-BarretteIl n’a jamais cessé de voir les candidats à l’immigration comme des pions qu’on peut utiliser comme on veut. La preuve : il exclut les étudiants internationaux du droit acquis qu’il avait promis à l’automne dernier! Encore une fois, le ministre promet une chose pour la retirer ensuite, a affirmé, par voie de communiqué, le député Andrés Fontecilla.

Une annonce saluée, mais des inquiétudes

Les avis sont partagés dans le monde des affaires. Tout en saluant des améliorations, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) évoque des préoccupations [qui] demeurent.

La restriction d’accès aux emplois de niveaux C et D ainsi que la sensible augmentation du délai de traitement sont décriés.

Il ne faut pas laisser le coronavirus brouiller la réalité sociodémographique du Québec. Le vieillissement de la population demeure un enjeu bien concret et il est là pour le rester.

-Gopinath Jeyabalaratnam, analyste principal des politiques à la FCEI

Se disant satisfait de l’abandon d’une liste théorique de référence, comme évoqué cet automne, et de la mise en place de mesures transitoires, le Conseil du patronat déplore des impacts négatifs pour les travailleurs étrangers temporaires qui vont rendre plus difficile l’accès au processus d’immigration.

La proposition de modification du programme reconnaît que tous les profils de formation et tous les secteurs d’activité ont un rôle à jouer dans notre économie, avance pour sa part Michel Leblanc, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, qui signale néanmoins son inquiétude concernant l’importante prolongation du délai de traitement des demandes.

Du côté du monde éducatif, les associations étudiantes parlent d’une mouture nettement moins pire. Force jeunesse, l’Union étudiante du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec formulent une demande auprès du ministre : considérer les heures travaillées à titre de stage comme expérience de travail.

Cette réforme, on n’en avait pas besoin, affirme quant à lui Guillaume Cliche-Rivard, président de l’Association québécoise des avocats en droit de l’immigration. Il reproche notamment au ministre Jolin-Barrette de ne pas avoir mis en place une vaste clause de droits acquis pour les étudiants étrangers actuellement scolarisés.

À l’automne, le ministre avait promis que ces gens encore aux études seraient protégés dans une éventuelle réforme, rappelle-t-il. Ce n’est pas respecté.

source: https://ici.radio-canada.ca/